Projet REM dans la Pointe-Saint-Charles

En novembre 2019 s’amorçait un projet de fouille à l’intérieur du périmètre d’un caisson qui forme aujourd’hui un des piliers du REM. Ce dernier, d’une superficie d’environ 7 m², devait être implanté dans les limites théoriques du cimetière des Irlandais, aménagé en 1847 pour répondre à l’afflux de migrants irlandais atteints du typhus, d’autres maladies infectieuses et de malnutrition. La fouille des contextes archéologiques associés au cimetière ne pouvait pas être réalisée préalablement aux travaux de mise en place de ce pilier, étant donné la grande profondeur estimée des sépultures et la proximité des voies ferroviaires qui devaient demeurer en utilisation. Une excavation en profondeur dans ce secteur aurait nécessité la mise en place de murs caissons, eux-mêmes soutenus par des pieux enfoncés dans le cimetière.

Les différentes contraintes et à la sensibilité du site ont mené à la préparation d’une méthode de travail spécifique à ce projet, fruit d’un travail collaboratif entre professionnels en ingénierie, environnement et archéologie et à la consultation des membres de la communauté irlandaise de Montréal à chaque étape du travail. Les procédures strictes de travail en hauteur et en espace clos ont été appliquées et la méthode archéologique adaptée, pour une intervention valable scientifiquement, éthique et sécuritaire.

En dépit de quelques perturbations, l’organisation des sépultures dans l’emprise du pilier a pu être définie et enregistrée à 6 m de profondeur. L’aire de fouille couvre en partie une fosse commune dont seule une limite sud a pu être définie. Des cercueils en pin blanc renfermant des individus adultes y ont été disposés dans un axe nord-sud, tête vers le nord, les uns à côté des autres et sur deux niveaux. Dans une volonté de maximiser l’espace disponible, les cercueils d’enfants ont été placés afin de combler les espaces libres, au pied des cercueils adultes ou entre eux. Cette organisation reflète un traitement funéraire en réponse à une mortalité importante sur un laps de temps assez court. Un minimum de quatorze individus a été mis au jour dont quatre enfants, trois adolescents et sept adultes.

Les cimetières destinés uniquement aux inhumations de crise sont peu nombreux et le cimetière des Irlandais est le seul ayant fait l’objet d’une intervention archéologique. Les causes de la mort sont connues, liées à la malnutrition ou au typhus — et possiblement d’autres maladies infectieuses — et plus probablement à l’interaction des deux. Lorsqu’une telle situation se présente, les sujets mis au jour deviennent infiniment précieux au regard des chercheurs de nombreuses disciplines. La réalisation de telles études, et le cumul de celles-ci à travers les époques et les milieux, dressent petit à petit les signatures paléoépidémiologiques et paléopathologiques de maladies qui pourraient a posteriori être reconnues dans l’étude d’inhumations de masse dont la cause est incertaine ou inconnue.